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"Il aurait pu le dissuader de prendre le volant" : un gendarme ivre provoque un accident mortel, prison avec sursis requise contre le passager
Deux gendarmes étaient jugés ce mardi en appel devant le tribunal correctionnel de Grenoble pour "non-empêchement de délit" après avoir laissé un collègue ivre prendre la route. Ce dernier a provoqué un accident causant la mort d'un couple de retraités en février 2019. La relaxe a été requise pour l'un des deux gendarmes et la requalification en "homicide involontaire" pour le second, passager du véhicule.
Les deux gendarmes avaient-ils conscience de l'alcoolisation excessive de Loïc D., responsable de l'accident qui a causé la mort de Florencio et Geneviève Duron à Bourgoin-Jallieu en 2019 ? Pouvaient-ils empêcher Loïc D., de prendre le volant de son véhicule alors qu'il avait 2,54 grammes d'alcool dans le sang ? C'est tout l'enjeu du procès en appel qui se tenait ce mardi 15 avril devant le tribunal correctionnel de Grenoble.
Willy S. et Johann L. étaient jugés pour "non-empêchement de délit". En première instance, l’un avait été condamné à 9 mois d'emprisonnement avec sursis, l’autre à 18 mois d'emprisonnement avec sursis. Tous les deux ont fait appel de cette décision.
Le poids des accusations
"Le poids de ces accusations pèse énormément sur moi, je ne me sens pas responsable", soutient Willy S. à la barre du tribunal de mardi 15 avril. Johann L., le second gendarme condamné en première instance, ne s’est pas déplacé, bloqué en Guadeloupe par une forte dépression, explique son avocat.
Le 26 février 2019, après avoir passé l’après-midi à consommer de l’alcool avec des collègues gendarmes - tous hors-service -, Loïc D. a repris le volant de son véhicule avec un taux d’alcool de 2,54 g/l de sang. Il a alors provoqué un accident mortel, entraînant le décès de Geneviève et Florencio Duron, 69 et 71 ans. Trois jours après les faits, le conducteur du véhicule a été condamné à trois ans d'emprisonnement dont 18 mois ferme par le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu (Isère).
Quelques mois plus tard, en avril 2019, les enfants du couple déposent plainte contre les gendarmes ayant consommé de l’alcool avec le condamné pour déterminer leur implication. Deux d'entre eux sont poursuivis pour "abstention volontaire d’empêcher un délit".
"Pour moi, il n’y avait aucun signe d’alcoolisation"
Quand Willy S. rejoint deux collègues au Village des marques de Villefontaine aux alentours de 16 heures, les convives ont déjà absorbé 2 litres de bière chacun. "Je ne l'ai pas remarqué au niveau de l’élocution et de l’ambiance à table. Il n’y avait pas d’euphorie, c’était calme, on discutait. Ce n’était pas une ambiance de fête, les yeux n’étaient pas rouges. Pour moi, il n’y avait aucun signe d’alcoolisation", soutient l'ancien militaire de 47 ans à la barre du tribunal correctionnel.
Willy S. poursuit son récit. Ils ont quitté le bar ensemble entre 18h15 et 18h30, lui a pris sa voiture de son côté, Loïc et Johann ont poursuivi leur chemin jusqu'à la voiture de Loïc. Son avocat, Me Ronald Gallo, le questionne : "Vous n'êtes pas avec eux lorsqu'ils montent dans leur véhicule ?" "Non", répond Willy S. avant d’ajouter : "Il y avait tellement d’autres possibilités ce jour-là que si j’avais vu que Loïc était autant alcoolisé, on aurait fait autre chose que de le laisser reprendre son véhicule."
Johann L., lui, a passé tout l’après-midi avec Loïc. Il est ensuite monté dans son véhicule avec, à l’arrière, son fils et la fille de Loïc. Ils quittent, selon des témoins, le parking du Village de marque à vive allure. Quelques minutes plus tard, le véhicule de Loïc vient percuter celui de Florencio et Geneviève Duron, à l'arrêt à cause d'un embouteillage. Les deux retraités meurent sur le coup.
Répondre de leurs actes
Trois des quatre enfants du couple sont présents au procès. "Ce que l’on souhaite, exprime Céline Duron, les yeux rougis par les larmes, c’est que toutes les personnes impliquées directement ou indirectement répondent de leurs actes. Je veux qu’ils comprennent qui sont les victimes dans cette histoire."
À l’issue, l’avocat général, Françoise Benezech, a requis la relaxe pour Willy S., estimant que pour ce gendarme, au vu des faits, l’infraction pénale n’est pas caractérisée.
"Déjà, il y a un flou concernant la quantité d’alcool ingurgitée par Loïc D., car Willy S. rejoint le groupe vers 15 heures. A ce moment-là, il y a déjà quatre pintes qui ont été bues et il ne peut avoir la connaissance précise de ce qu’a bu Loïc D. Ensuite, ils quittent effectivement le bar ensemble, mais il n’accompagne pas Loïc D. jusqu’à son véhicule. Je ne suis pas certaine que la procédure établisse que Willy S. sache à quel moment précis Loïc D. allait prendre son véhicule."
Un argumentaire soutenu par l'avocat du prévenu, Me Ronald Gallo, qui défend "un gendarme aguerri, salué par sa hiérarchie" et décrit quelqu'un de "très affecté par la procédure et la responsabilité que l'on tente de lui faire assumer."
En revanche, pour Johann L., l’avocat général demande à la cour de retenir le chef d’accusation d’homicide involontaire par faute caractérisée. "Il a passé l’après-midi à boire de l’alcool avec Loïc D., puis il est monté avec lui dans la voiture. Il avait les moyens de le dissuader de prendre le volant, d’autant que la personne est officier de gendarmerie", a estimé Mme Benezech, requérant à son encontre 18 mois de prison avec sursis.
Réquisitions "sans surprise"
Des réquisitions "sans surprises" pour l’avocat des parties civiles, Me Hervé Gerbi. "Nous avons les réquisitions qui, pour l’un des gendarmes, sont conformes à la première instance. En revanche, c’est avec satisfaction que nous voyons qu’aujourd’hui, sur le plan juridique, le parquet à l’audience requiert l’homicide involontaire contre le passager. C’est conforme à ce qu’avait souhaité la chambre de l’instruction lorsqu’elle a renvoyé les gendarmes pour être jugés, et c’est conforme à la démarche entreprise depuis six ans par les parties civiles", déclare l'avocat.
La décision du tribunal a été mise en délibéré, elle sera rendue le 3 juin prochain à 14 heures. "
Mes pensées à la famille.