Je suis tombé par hasard sur cet article de Gilles Bertrand
Extrait :
Paul Texier traversa ainsi un demi-siècle, les mains sur les cocottes, le nez bien au-dessus du guidon pour s’imprégner de cette France des champs et des coqs qui gueulent au petit matin, à peine le jour levé, après une nuit passée à dormir dans une grange ou dans un abri de fortune «si on ne trouvait rien pour dormir, on s’arrêtait dans un coin avec de la paille. Mais dans les villages, c’était pas toujours évident car il y avait de la méfiance». Car dans cette France laborieuse, mais de quel bois pouvaient bien se chauffer ces privilégiés mal rasés, ces vagabonds aux nez brûlés ? Avec leurs jambes épilées et bronzées, la cuisse galbée, la casquette la houppette relevée, sur leur frêle machine à petits pneus, traversant la France, de Diagonale en Directissime, sans craindre la fatigue, les orages, la faim au ventre, les nuits noires d’encre, les nids de poule, sur ces départementales rugueuses aux allures de vicinales. Pour 5 francs, ils reliaient Brest à Menton ou bien Hendaye à Strasbourg ou pire et mieux encore ce Tour de France Audax, 4300 km en 17 jours. Dans quel but ? Pourquoi, pourquoi ? Sans que le coursier ne puisse vraiment trouver la bonne réponse, ne sachant peut-être pas l’exprimer, par timidité, par simple et noble sagesse. J’ai osé cette question «mais aviez-vous le sentiment de réaliser des choses extraordinaires « ? L’homme de répondre sans forfanterie «mais non, car ce que j’ai fait, tout le monde pouvait le faire» et d’ajouter sans changer de braquet «alors je vous donne le tout, vous le prenez ?».