Notre point de rdv et de départ: Séverac-le-Château, en Aveyron, situé à environ 800m d'altitude et facilement accessible depuis Montpellier, Toulouse et St Etienne. Le temps est magnifique.
Nous quittons ce bourg reconnaissable par son château perché, visible de loin, par une petite route qui évite la départementale qui rejoint Massegros directement. Certes, elle rallonge un peu, mais elle nous permet de rouler tranquilles en papotant. Passé Massegros, premier bourg de la Lozère où nous resterons la plupart de ce week-end, la route grimpe sur une crête (altitude 1000 m) d'où la vue est vraiment très dégagée : Aigoual au Sud, Monts d'Ardèche à l'ENE, Margeride au Nord et nous amène à St Georges de Lévéjac. Le 1er objectif, le Point sublime, offrant une vue magnifique sur les gorges du Tarn, n'est plus qu'à 1,5 km. Il est atteint vers 13h et quelques. C'est toujours aussi beau ; grandiose, même.

Il y a un peu de monde, mais rien de gênant. Avantage de l'ouverture de la saison : le café est ouvert et nous en profitons.
On repart sur le causse de Sauveterre puis on redescend dans les gorges, par une route sinueuse bien raide mais agréable ... à descendre, même si on n'a guère le loisir de lâcher les freins. Au village de la Malène, c'est nettement plus bondé.

En tous cas aux terrasses et sur les parkings. Dès que je quitte les axes principaux en enfilant une petite ruelle qui râcle la roche puis se transforme en sente, il n'y a plus personne et j'apprécie les belles maisons en pierre de calcaire local et les jardins en terrasses.

Notre objectif est de camper à Ste Enimie, située à 13 km en amont sur le Tarn. La route qui remonte les gorges est très agréable.
A ma grande surprise, les hordes motorisées sont suffisamment espacées et nous roulons le plus souvent dans un calme inespéré tant il nous semble que tout ce que le Sud de la France compte de clubs moto et de bagnoles semble s'être donné rdv dans la région : Porsche, Ferrari, Mustang, deuches... on aura tout vu pendant ces 4 jours. Mais le comportement est apaisé et dans l'ensemble, nous sommes tous les 6 surpris de rouler dans de bonnes conditions.

Nous passons devant le hameau de Hauterives, situé sur la rive gauche (opposée) du Tarn. Très pittoresque, il reste habité malgré un accès impossible en voiture.

L'accès se fait soit par la rivière, en barque, soit à pied depuis le pont de la Malène, à 3,5 km en aval. Il existe bien une sorte de "téléphérique", une sorte de monte-charge équipé d'une nacelle qui permettrait de transborder du matériel mais il est en panne depuis quelques années, au grand dam des habitants qui manifestent leur colère envers la municipalité en affichant une banderole "village en péril" et en ayant planté un panneau expliquant leur situation. Le hasard fait qu'un de mes collègues lozérien/aveyronnais a une grand-mère née au début de 20ème siècle qui a habité toute sa vie ce hameau. Il m'expliquait qu'elle n'avait jamais été ne fut-ce qu'une seule fois jusqu'à Mende, chef-lieu du département, située à 22 km à vol d'oiseau, et n'avait vu la mer pour la 1ère fois qu'à l'âge de 85 ans.
La route que nous empruntons n'a été ouverte qu'en 1906. Le Guide vélocipédique d'Adrien de Baroncelli "L'Auvergne et les causses des Cévennes" décrit cette partie comme le clou du voyage, se déroulant en barque entre Ste Enimie et le Rozier : 2 machines seulement de préférence par barque. Il déconseille de s'arrêter à La Malène:
Un peu pris par le temps, le groupe décide de faire l'impasse sur la visite de St Chély-du-Tarn, ce qui me donnera une très bonne raison de revenir dans le coin. C'était charmant de loin, mais mon collègue m'a confirmé ce qu'avait dit une touriste arrêtée dans les gorges : le village coincé dans les gorges vaut le détour.Actuellement, vu les ressources par trop rudimentaires qu'offrent les auberges de La Malène, nous ne saurions engager les cyclistes à s'arrêter dans cette localité. Toutefois, it est question d'élever à La Malène un bon hôtel, ce qui serait à souhaiter, et dans ce cas, on fera bien de s'informer.

A Ste Enimie, il y a beaucoup de monde donc on ne s'attarde pas.

Le camping 2** est complet il nous faut revenir sur nos pas et revenir à celui en aval qui se révèlera parfait. La baignade dans le Tarn puis la bière rise en terrasse clôtureront cette première étape très appréciée.
Le lendemain matin, Ste Enimie sera moins encombrée et nous découvrirons le charme de ce village médiéval en poussant les vélos dans ses ruelles pavées.

Les femmes trouveront une poterie à leur goût, ce qui nous causera un départ final de St Enimie, après emplettes de breloques et de pique-nique, à 11h bien passées.

La route continue d'être très agréable. Les gorges changent mais restent très pittoresques.


Hameau de Castelbouc
En approchant de Quézac et d'Isapgnac, elles s'ouvrent et les flancs exposés Sud se trouvent garnies de vignobles en terrasses. Le village d'Ispagnac que j'imaginais très pittoresque ne l'est pas tant que cela. Nous pique-niquons au pont sur le Tarn , ce qui nous permettra de piquer une tête alors que la chaleur du midi commence à sérieusement peser. Après la pause, j'arrive à convaincre les hésitants à me suivre sur le routin qui rejoint Florac par la rive droite. Certes il grimpe raide, ce qui pose quelques difficultés à certaines, en pleine digestion. Mais 1) nous grimpons sur une petite route des plus agréables et 2) nous roulons à l'ombre des châtaigniers. Les points de vue sur la vallée sont assez fréquents. Le ratage d'une bifurcation me fait choisir d'éviter le retour sur nos pas au prix d'un poussage de 80 m environ sur une sente herbeuse où certaines trouveront quelques orties à hauteur de mollets (ou plutôt le contraire: les orties trouveront quelques mollets frais à urtiquer).
La route devient "gravel" mais reste roulante. Cet itinéraire est vraiment le bon choix: en face, la route est devenue nationale et trop exposée, tant aux voitures qu'au rayons d'un soleil quasi estival. Par prudence, je choisirai de descendre par le hameau du Fayet et de rejoindre Florac par la grande route sur quelques kilomètres, craignant que le revêtement du chemin continuant à flanc, rive gauche, ne pose quelques soucis à ceux dont les vélos sont équipés de pneus de route. Je passerai par là une prochaine fois.
Nous arrivons très vite à Florac où nous comptons faire une pause afin de ne pas nous lancer dans la difficulté de cette randonnée avant 16h. 6 km à 7,5% de moyenne avec nos vélos bein chargés, ça pique un peu. Le repas sera servi à 19h30 à l'auberge où nous avons réservé, éloignée de seulement 13 km du col qui termine la côte. On profitera donc de l'ombre des platanes du "cours" principal de cette petite ville en sirotant nos boissons fraîches en attendant 16h. Un local commente mon vélo à voix haute "il date pas d'hier, celui-là!" J'engage la conversation. Quand je lui explique comment j'ai transformé mon VTT en vélo de voyage grâce aux brasures de Fabien Bonnet, cadreur à Grenoble, il me parle de celui qui s'est installé sur le causse Méjean. Il se trouve que j'ai découvert ce gars installé au bout du monde sur Bike Café, dans une ferme caussenarde accessible par chemin de terre (au retour je vérifierai et elle se situe à 2,5 km de l'auberge où nous avons dormi). Dans ce coin, tout le monde se connait.
Après quelques menues emplettes en prévision du pique-nique du lendemain, nous voici engagés dans la rude montée sur le causse Méjean. Rude mais régulière. Et pas trop de voitures... On s'élève au-dessus de Florac.

C'était la bonne stratégie d'y patienter un peu pour laisser le soleil descendre un peu derrière les impressionnantes falaises de calcaire pour mettre la route en grande partie à l'ombre. Bonne décision aussi de délester les cyclotes un peu justes physiquement d'une de leurs sacoches. A ce niveau de pente, 3 ou 4 kilos en moins font une différence ... que je sens aussi en grimpant avec une sacoche supplémentaire, tout comme mon beau-frère. Mon vélo approche alors les 35 kg de PTC (+cyclo, évidemment).
Une heure plus tard, nous franchissons le col qui nous ouvre le causse Méjean. La lumière de cette fin d'après-midi est chaude et met en valeur les paysages vastes de ce plateau calcaire, alternant garrigue méditerranéenne, cultures de céréales, cultures de fourrages et plantations sylvicoles. Le bonheur de rouler est intense.


Les villages sont rares dans ce coin. Nous n'en verrons d'ailleurs aucun avant Nivoliers, notre destination et étape du jour. Pas même une ferme; juste quelques rares panneaux indicateurs. Il ne faut pas oublier que ce sont ici les terres les moins denses du pays... A defaut de village ou de hameau nous atterrissons sur l'aérodrôme de Florac - Sainte Enimie qui jouxte la route.

Un planeur est d'ailleurs en phase d'approche puis se pose alors que nous roulons aux abords de la piste. A coup sûr un avion du club local. C'est toujours aussi élégant, un planeur qui approche en silence et se pose en douceur. Une dernière petite côte nous prend par surprise mais elle est rapidement effacée.

Nous arrivons à l'auberge où l'ambiance est détendue. C'est le bon moment de la journée, celui où la mousse fantasmée est enfin partagée dans la bonne humeur, celui pendant lequel l'équipage commente la journée qui se termine, évidemment marquée par la rude montée dont les débutantes sont finalement très fières, et c'est bien normal.
La nuit mais surtout la soirée a été agréable à l'auberge qui sert un très bon repas dans sa demi-pension. Et le petit déj... Un sacré morceau taillé pour les randonneurs et unanimement apprécié.
La température de ce matin est bien agréable mais le ciel confirme le changement de météo annoncé sur les applis : des nuages viennent concurrencer le bleu du ciel.

C'est surtout une atmosphère plus lourde qui vient peser un peu sur les cyclos qui quittent le hameau vers 9h30.

Ça commence par une petite montée qui nous cueille "à froid" (alors que je viens d'écrire le contraire). Le paysage est cependant magnifique, bien vert et bien fleuri.


Parvenus en haut de la côte, une nouvelle belle vue dégagée s'ouvre et découvre le paysage où évoluent les chevaux de Przewalski, célèbres équidés introduits sur le causse il y a environ 35 ans.


Nous faisons halte au hameau du Villaret réhabilité par l'association Takh, qui a réintroduit le cheval préhistorique de Przewalski. Les bâtiments mettent en valeur l'architecture caussenarde et les savoir-faires des artisans du coin qui font des merveilles de constructions en pierres dans lesquelles la différence entre maçonnerie et couverture est difficile à faire.

Au village suivant, Hures, situé à 1 km à peine, nous faisons une halte à l'église très belle à l'intérieur, particulièrement bien éclairée par les rayons matinaux.

La suite de notre progression sur le causse n'est que plaisir des yeux, en tous cas pour ceux qui ne souffrent pas d'allergies aux graminées.


Nous dominons le haut des gorges de la Jonte et apercevons Meyrueis.

Notre destination du midi c'est le chaos de Nîmes le Vieux. Moins célèbre que son cousin de Montpellier-le-Vieux il n'en demeure pas moins charmant. Ca n'est pas l'averse - aussi drue que courte - qui nous gâche le plaisir. Les ponchos, à peine enfilés peuvent être remisés. Comme dans Astérix et le devin, après la pluie, le beau temps. Le ciel se découvre et un soleil bien chaud vient égayer et embellir le paysage. Le hameau du Veygalier où nous nous sommes installés se fond à merveille dans le paysage ruiniforme caractéristique de ce qui s'appelle par ici un "chaos".


Je garde pour une prochaine fois la découverte de la petite route qui monte du hameau pour redescendre plus loin sur la route de Florac. Elle est attirante mais notre programme, compte tenu de notre train de sénateur, ne nous permet pas ce détour. Nous revenons sur nos pas pendant quelques kilomètres, ce qui nous redonne l'occasion de profiter de ce paysage champêtre si beau sur fond de Mont Aigoual, au Sud.

Cette fois-ci, le Perjuret sera un "col gratos". On le rejoint avec comme seul effort celui d'actionner nos freins. Nous avons passé la journée au-dessus.
Mais là, c'est un faux-plat de 30 km qui nous attend, avec tout de même quelques vraies portions de descente avant Meyrueis.

J’aime bien le chef-lieu de Meyrueis.

Du moins un jour comme aujourd’hui, avec une température presque chaude, du soleil, et une affluence touristique contenue mais qui contribue à rendre ce bourg vivant.

Un boulon de porte-bagage s’est fait la malle dans la descente du Perjuret donc on passe un peu de temps à bricoler une réparation en récupérant un boulon M4 ailleurs sur un vélo. Mais surtout, on s’installe en terrasse pour un café ou une boisson fraîche. Nous sommes en mode cyclotourisme pépère. On en profite.
La suite de l’itinéraire c’est tout simplement la descente dans les gorges de la Jonte, un gros ruisseau qu’on longe en sortant de Meyrueis mais qu’on ne verra pas très longtemps. En effet, il coule ou fond des gorges et il se perd même dans les entrailles du calcaire sur quelques kilomètres, avant de ressortir plus bas. On ne le reverra vraiment qu’au Rozier. Les gorges sont réputées et il y a une bonne raison à cela. Les formations rocheuses sont spectaculaires : arches pitons en forme de vases.


Les villages ou hameaux coincés dans la vallée sont également très pittoresques en cette fin d’après-midi presque qu’estivale. Le sont-elles tant que cela l’hiver ? La vie doit être rude une bonne partie de l’année.


Nous arrivons au Rozier, village très animé et bénéficiant à fond de l’excellente réputation des falaises avoisinantes comme « spot de grimpe » auprès d’une population jeune, férue d’escalade, dont fait partie l’un de mes fils que nous raterons de peu. Ils y ont passé 2 jours et ont quitté les lieux quelques heures avant notre arrivée.
Le camping où nous nous installons est simple, pas si bien entretenu mais il est situé au confluent de la Jonte et du Tarn. Parfait pour une baignade rafraichissante dans une température qui est devenue graduellement bien chaude et une atmosphère lourde.
Pas de match pour nous : une soirée à se faire bouffer par les moustiques, à papoter et à faire une paire de manches au tarot. Une nouvelle très belle journée se finit, sans même avoir subi les orages annoncés. En tous cas jusqu’à ce qu’on se couche, à peine perturbés par des fêtards qui chantent bruyamment mais heureusement assez loin pour qu’on ferme l’œil pour une bonne nuit réparatrice.
Comme d’hab, je suis le 1er réveillé. J’aime la fraîcheur et le calme matinaux. Nous sommes dimanche ; l’étape devant nous est courte : il s’agit de remonter à Séverac-le-Château où nous avions commencé. La veille nous avons un peu discuté sur l’itinéraire. Celui que j’ai proposé est plus long mais il me semble le meilleur dans notre situation. Il commence tout doux, descendant le long du Tarn sur 5 km, ce qui constitue un bon moyen de s’échauffer.

Il prend ensuite une vallée à la pente très progressive. Une petite route blanche comme je les aime. Certes, ça finit plus raide, forcément, mais moins que sur l’itinéraire plus direct qui avait l’inconvénient de mettre la section la plus raide au démarrage, à froid. Cette route, je l’avais déjà repérée depuis longtemps et j’avais même failli la prendre lors de ma bambée en Aveyron et Cantal de l’été dernier. Ce fut un bon choix. Commençant dans le village par une ruelle étroite et charmante, la route file le fond de la petite vallée en serpentant entre prés, bois et hameaux, avant de quitter le torrent pour quelques lacets plus raides, d'où l'on aperçoit les arches support des caténaires de la ligne Béziers - Neussargues, une configuration inhabituelle pour les estrangers à la région qui les fait s'interroger : "quèsaco ?" Tout cela finit au col de l’Engayresque au niveau de l’A75. Quand on débouche là-haut, on est au-dessus de 900 m d’altitude. L’horizon est dégagé, du moins lorsque la météo est favorable. Pour nous, la vue ne porte que vers le Sud. Un très gros nuage noir bloque en effet le regard vers le Nord : l’orage tonne et déverse de bonnes pluies sur Séverac. Ca tombe bien, c’est l’heure du pique-nique. Le temps de grimper quelques dizaines de m supplémentaires pour trouver le spot qui convient et nous nous installons pour la pause méridienne, contraints par les allergies de 2 de nos compagnons qui ont souffert ce week-end. Impossible de quitter le bitume si on veut éviter une crise d’éternuements ou de larmes.

L’en-cas avalé, l’orage s’est décalé. Il est temps de rejoindre nos voitures par une descente de faible déclivité sur l’ex nationale 9, déserte puisque l’A75 est gratuite, le long de la voie ferrée. A 14h nous y sommes. Ce beau projet est bouclé. Pas de pépin mécanique, à part une perte mineure de boulon de porte-bagages ; pas d'échauffements des compteurs : moins de 200 km sur 4 jours (dont 2 réduits). L’objectif était ailleurs : passer 4 jours de convivialité en découvrant (ou redécouvrant à une autre saison) une région vraiment hors-norme. Le classement des grands causses et des gorges du Tarn et des grands causses au patrimoine mondial de l’UNESCO n’est pas usurpé.