Salut,
19 Juillet 2022.
Nous quittons l'hôtel à cinq heures vingt après un petit déjeuné préparé la veille par les patrons...
Les dix kilomètres de faux-plat montants qui nous conduisent au pied du col de la Lombarde font mal aux cuisses...
À six heures, à la sortie de Pratolungo l'ascension débute par une impressionnante série de douze épingles puis la route met le cap au sud. Mon compagnon me prévient tout de suite qu'il va monter à l'économie car la journée va être longue. Je prends un peu d'avance.
La première partie de ce col est assez raide mais très plaisante, surtout qu'à cette heure matinale la circulation y est quasi nulle.
Un arrêt "remplissage des bidons" me permet d'attendre Joann qui, à sa vitesse, gère bien son effort...
De nouveau aux avant-postes je passe les deux derniers lacets de cette première partie puis avale tranquillement trois kilomètres de faux-plat montants puis à l'attaque d'une nouvelle série de lacets j'attends de nouveau mon équipier. Après avoir manger un peu nous repartons chacun à notre rythme...
À quatre kilomètres du sommet, un peu las du "cui-cui" que fait ma transmission depuis ce matin je m'arrête pour huiler ma chaîne et pour faire quelques photos. Mon collègue jurassien en profite pour me passer...
À quatre kilomètres du sommet...
Je repars tranquillement. Au loin le col est dans une sorte de brume de sommet, il ne fait ni chaud, ni froid, c'est assez agréable...
Le col de la Lombarde...
À neuf heure moins vingt le sommet est atteint. Dix minutes plus tard nos montures plongent versant français pour une longue et belle descente de vingt kilomètres vers Isola...
Là, c'est une boulangerie assez peu achalandée que nous tentons de dévaliser avant de perdre un bon quart d'heure dans un bistrot à attendre qu'on veuille bien nous servir... Bref un arrêt de quarante minutes pour pas grand chose...
Même punition quinze kilomètres plus loin à Saint-Étienne-de-Tinée où l'on perd presque une demi-heure à s'approvisionner...
À onze heure et demi l'ascension de la Cime-de-la-Bonette débute enfin !...
Les orages de la veille ont dus être assez violants, la route en garde les stigmates, les gens de l'équipement semblent être à pied d’œuvre plus haut...
Nous débutons la montée ensemble jusqu'au Pra. Joann a des problème de chaussures et quand ses pieds "brûlent" il est contraint de marcher un peu.
Je fais un premier petit arrêt, mon camarade arrive à pied. Il me rassure, une centaine de mètres suffisent pour que le "feu du pied" s'estompe...
Mille mètres plus loin, à Bousieyas, je renouvelle l'eau de mes bidons. Au moment ou je repars Joann arrive, il me dit de filer, il va finir à son rythme.
Il reste une quinzaine de kilomètres jusqu'au sommet. les jambes sont là, le moral est bon, j'accélère un peu. Les cinq kilomètres qui suivent Bousieyas sont les plus beaux, la route est superbement tracée, la vue est magnifique et la pente régulière et pas trop rude...
C'est dans cette portion que je rejoins et double deux jeunes chargés comme des mules. L'un d'eux me rattrape et se met à discuter avec moi. Un gars très sympa qui fait son premier voyage à vélo. Au bout de quelques hectomètres je lui fait comprendre qu'il faut qu'il ralentisse car il est tout bonnement en train de se cramer à vouloir monter à mon allure chargé comme il est...
Nouvel arrêt à une dizaine de kilomètres du sommet. Le friand au fromage d'Isola est rapidement avalé. Quelques lacets plus bas j'aperçois Joann qui roule tranquillement à son rythme. J'aperçois aussi mon jeune cyclo bavard arrêté et paraissant bien cuit...
Un "bikepacker" qui monte à bonne allure le cul rivé sur sa selle me dépasse...
Une heure vingt-cinq, il est temps de repartir. je traverse le fantomatique "Camp des Fourches", ancien campement militaire. Un kilomètre plus loin je me déporte sur la gauche pour voir la route en contre-bas. J'aperçois mon compagnon qui monte toujours sans soucis. Rassuré je repars de plus belle...
Un peu plus haut je traverse un "chantier mobile", les gars finissent de déblayer la chaussée. Je les salue et les remercie pour leur travail.
La pente est maintenant bien moins pentue mais l'altitude est là. La route passe au col de Raspaillon qui culmine à plus de 2500 mètres. Trois kilomètres plus loin c'est le col de la Bonette à 2700 mètres puis c'est le mur pour atteindre la cime à 2800 mètres...
Cime de la bonette...
Il est deux heures et demi, une photo, le coupe-vent et demi-tour. Je m'arrête au col de la Bonette. Le ciel se couvre de manière inquiétante, je choisis de mettre ma veste de pluie et de "bâcher" ma sacoche. Je me force à manger car la journée est loin d'être finie...
Depuis le col on peut apercevoir au moins trois kilomètres de route et à force de scruter je parviens à localiser mon compère à environ mille-cinq cent mètres plus bas...
Il ne fait pas très chaud et quelques gouttes commencent à tomber. Joann arrive, je lui dis de laisser sa sacoche ici et d'aller pointer au sommet...
L'opération est faite le plus rapidement possible et à trois heures vingt nous quittons le col sous la pluie et le tonnerre vers la vallée de l'Ubaye...
En bas, à Jausiers il faut manger, il est quatre heures, le snack à l'entrée du village est fermé, au bar du centre "on ne fait pas de sandwishes" mais heureusement la crêperie du fond peut s'occuper de nous. Une crêpe, une gaufre, deux boisons sucrées, le tout en moins d'un quart d'heure. La superette du centre se charge de remettre un peu de victuaille dans nos sacoches et la fontaine de la place remet à niveau nos bidons ! Quatre heure et demi, la route est reprise. Nos arrêts s'améliorent...
Il-y-a une chose qui ne s'améliore pas, c'est le temps, ça gronde à l'est, ça gronde à l'ouest et nous filons au nord... Va-t-on éviter les gouttes ?...
Il reste quatre-vingt-cinq kilomètres pour rejoindre Cervières, dans le meilleur des cas nous y seront à dix heures mais il ne faut pas traîner. Je reste avec Joann jusqu'à Saint-Paul-sur-Ubaye, point de départ de l'ascension du dernier des 7-Majeurs, le col de Vars : Huit kilomètres à 8% avec des passages très raides.
Joann gère sa montée comme il l'a très bien fait depuis ce matin. J'atteins le sommet à six heures dix. La photo est rapidement prise. Au restaurant du col, un ivrogne se fait mettre à la porte, j'hésite à rentrer mais je parviens tout de même à me faire servir un bon demi ! Enfin !...
Col de Vars...
Le ciel continu à se charger...
Je profite du moment pour appeler l'hôtel d'Izoard, pour les prévenir de notre arrivée tardive, pas avant dix ou onze heures...
Joann arrive à son tour et à six heures et demi nos machines filent vers Guillestre et la vallée de la Durance...
La descente se fait rapidement mais sans prendre de risque. On se retrouve sur la grosse N-94 à sept heures et quart. La circulation y est très importante. Il reste quarante kilomètres...
Joann suit bien mais peine dans les légères côtes. Ses pieds le font souffrir. Un arrêt du côté de Pra-Reboul lui permet de se déchausser un peu...
Quelques kilomètres plus loin c'est la côte de l'Argentière-la-Bessée, juste trois kilomètres qui paraissent bien ridicules en comparaison de tout ce qu'on vient de gravir, mais c'est là qu'un bon vent descendant choisit de nous frapper de plein fouet ! Incroyable à cette heure là ! Il-y-a du y avoir de violents orages plus haut...
Joann décroche tout de suite, je choisis de l'attendre au sommet de cette fichue côte.
En haut, arrêté à un abris-bus je mange un peu en attendant. Soudain un message de mon compagnon : "continu seul, je me refais une santé et j'arrive. à plus"... Bon... Je réponds "ok, à plus" et je file...
Il est huit heures et demi, il reste vingt-deux kilomètres, c'est peut-être encore jouable pour arriver a dix heures...
Le vent est toujours aussi gênant. À Saint-Martin-de-Queyrières je choisis de prendre la "Routes des Espagnols", alternative à cette N-94 qui me devient insupportable. C'est un bon choix, il reste le vent mais la circulation y est quasi nulle...
Briançon est ralliée à neuf heures dix. Je m'arrête et sans descendre de vélo je me ravitaille une dernière fois. Il reste dix kilomètres à 4% de moyenne...
Le vent se calme, les orages ont dus cesser... J'y pense, mais on est passé à travers les gouttes ! Je rigole tout seul sur ma randonneuse.
Petit à petit la nuit se fait plus noire, la circulation plus calme, une grange sensation de solitude et de bien-être m’envahis... Putain ! On a réussit !... Je me marre tout seul sur mon vélo...
Mon téléphone sonne, un message... Je suis à moins de trois kilomètres du but, je lirais ça plus tard...
Puis des lumières, des maisons, Cervières !... Un son de cloche, le clocher sonne dix heures !...
J'arrive à l'hôtel à dix heures une. Le message reçu est de Joann : "Je suis à Briançon, je bois une bière et j'arrive !"... Bon, et bien moi aussi, "Patronne, une pression s'il vous plaît".
Le doux breuvage avalé, je file prendre une douche et me changer.
De retour au restaurant, la gérante me demande si une grosse omelette conviendrait, je réponds que oui et que pour patienter je reprendrais bien une autre bière...
Par la fenêtre j'aperçois une petit lumière au loin, ça c'est mon jurassien qui en termine. Il est onze heures. Je saute sur mon vélo et descends au garage le rejoindre. Nous rangeons nos machines et montons nous restaurer...
Tout en dévorant notre méga-omelette les patrons sont venus à notre table nous questionner sur ce périple à leurs yeux incroyable. Ils semblent vraiment admiratifs et nous avons beau leur expliquer que c'est à la portée de n'importe quelle personne saine et correctement entraînée ils refusent de nous croire... Dont acte, nous seront donc les héros de la soirée...
"Et demain ? Vous partez tôt ?"
Hola ! Les héros sont fatigués, le petit déjeuner à sept heures et demi et le départ quand on sera près...