Mon premier 200.

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Milesandmilesagain
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Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

Bonjour à tous,

Il y avait un moment que l'idée me trottait dans la tête. En fait, depuis la parution du premier numéro de "200". Formidable magazine, dont les récits pleins de verve, hauts en couleur, au lyrisme contagieux, ne peuvent que susciter des velléités de randonnée longue-distance.

Or, jusqu'à maintenant, le projet d'un hypothétique 200 avait été repoussé au calendrier grec. Pour diverses raisons.

D'une part, je ne saisissais pas bien l'attrait de ce type de sortie. Des randonnées à la journée de 100, 123, 137, ou 151 km, j'en fais des dizaines par an. Et ce ne sont pour moi que de petits plaisirs fugaces, sans enjeux, presque anodins. Pas du tout comparables au dépaysement total, à l'évasion absolue, que me procurent des expéditions de 15 jours, 3 semaines ou plus, en cyclo-camping à travers la France. Du coup, se fader 200 bornes, bon, je me demandais quelle différence ça ferait.

D'autre part, j'avais une représentation disons... cyclosportive de l'exercice. Cela me semblait plutôt une distance réservée aux couraillons en mal de challenges. Un petit défi sportif sans grand intérêt, même pas extraordinaire, a priori. Parce que trimballer un vélo bardé de sacoches, au fin fond du Morvan, par exemple, c'est largement aussi difficile, à kilométrage moindre.

Bref, j'avais des réserves, des interrogations, mais l'envie était là. Il fallait que ça infuse, que germe quelque chose d'enthousiasmant. Hors de question de se contenter d'une stupide boucle autour de chez moi, histoire de pouvoir dire "bah, j'en ai fait un". Je voulais une longue étape, une épopée qui ait de la gueule. Et une destination qui en vaille la peine. Tiens, pourquoi pas Dieppe? C'est une très jolie ville, en bord de mer, traversée à toute vitesse pendant un précédent voyage. Ce serait l'occasion de s'y attarder.

Alléluia! Je l'avais, la trame de mon premier 200: aller de Saint-Quentin à Dieppe. Y rester 24h. Puis, repartir en suivant le même trajet, mais divisé en 2 étapes plus tranquilles. Une sorte de mini-voyage de 4 jours.

L'itinéraire en serait simple: à partir de Saint-Quentin, suivre la D930, en passant par Ham, Nesles, Roye, Montdidier, Breteuil, Crèvecoeur-le-Grand, Marseille-en-Beauvaisis, et enfin Songeons, où il faudrait bifurquer, à droite toute, en direction de la côte, via Gaillefontaine, Forges-les-Eaux, et Neufchâtel-en-Bray. La quarantaine de bornes entre Neufchâtel et Dieppe emprunterait une agréable voie verte.

Le vélo utilisé: mon fidèle Koga en acier. Je ne possède pas de randonneuse légère. Peu importe. Cela me permettrait de vérifier, en pratique, qu'un 200 est réalisable sur une bétaillère de voyage, de 16,5 kg à vide, avec 10 kg de bagages. Même pas peur!

A suivre.

Miles.


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CYCLOHC
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Re: Mon premier 200.

Message par CYCLOHC »

Ami Miles -et les Autres - Bonjour,

Effectuer un "longues distances" peut être considéré comme un simple défi - somme toutes accessibles à l'immense majorité, je précise -.
Il serait dommage de ne le réduire qu'à cela.....
La pratique de la Bicyclette ne se résume certainement pas à pédaler, à moins d'avoir une araignée ou une bicyclette dans la tête. Dans ces cas là un home-trainer ferait largement l'affaire et, d'ailleurs, on voit maintenant beaucoup de malheureux citadins pédaler sur place dans des salles (où ils paient bien cher) et qui n'en retirent que le plaisir de faire passer la serpillère à la femme de ménage de service qui leur succèdera.....

Se donner un petit défi personnel, en profitant du merveilleux espace naturel qui nous entoure, peut être une solution pour vivre l'aventure à deux pas de sa porte ! On en retirera une meilleure connaissance de soi et, sauf d'être un bourrin, une meilleure oxygénation de son cerveau.
200 kilomètres est d'ailleurs bien réducteur ! Je conseillerais de se lancer dans des aventures plus osées, à partir du moment où l'on en revient toujours enrichi.
Les exemples des adeptes des Flêches, des PBP, des Transcontinentales et autres Transsibériennes ne sont pas tous -loin s'en faut !- des fous-furieux.

Il m'est arrivé, il y a encore bien peu de temps (j'avais déjà dépassé les 60 ans) de m'engager tout seul sur une étape "de folie" en montagne où je gravissais le premier col (de Vars) entièrement de nuit avec le seul bruit du torrent, des animaux nocturnes et du cliquetis léger de ma Bicyclette. Le jour se levait à peine dans l'attaque du deuxième col (Larche)....Je ne vais pas raconter ici toutes les sensations vécues lors de cette merveilleuse journée....Lorsque j'attaquais le dernier col (Agnel versant Italien) la fatigue était là certes, la nuit aussi d'ailleurs....mais quelle sensation gigantesque que de s'attaquer à ce col si difficile après une journée passée dans l'Alpe ! Quelle sensation que de retrouver le retour au calme de la Nature, de finir dans la nuit noire dans les Gorges tumultueuses du Guil, d'y avoir côtoyé un renard étonné, après avoir eu des marmottes toute la journée.
J'avais parcouru près de 300 bornes, gravi une dénivellation "pas possible", avais pris une bonne suée, mais rentrais chez moi le cœur léger, heureux de savoir que mon organisme avait pu affronter cela sans hypothéquer sur ma santé (j'ai eu ces mêmes sensations en terminant des 100 kms de course à pieds et des Triathlons Ironman...).
Les bourrins en mourront ou bien s'y détérioreront, c'est certain...celui qui sait aborder cela avec humilité en reviendra très riche !!!


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EgaregEtKristell
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Re: Mon premier 200.

Message par EgaregEtKristell »

Joli projet ! Tu ne devrais pas être trop déçu.

Tu prends le problème dans le bon sens : des balades de plus de 100 ou 150 km, tu en as déjà fait et tu as donc les capacités physiques pour faire un 200. Alors quel intérêt ? Découvrir de nouveaux paysages, s'évader à quelques coups de pédales de chez toi : voilà le vrai intérêt d'un 200.

C'est ça qui m'a fait passer le pas : partir du Mont Saint-Michel pour rallier la maison via Crèvecœur-en-Auge à travers la campagne normande, il y a pire comme balade !
En prime, j'ai voulu tester mes capacités physiques sans me mettre dans le rouge et voir si les trois lettres qui me trottent dans la tête (P-B-P) pourraient être écartées d'un revers de main.

Maintenant que j'ai vu que c'était possible, j'essaierai de renouveler l'expérience en me concoctant quelques itinéraires semés de découvertes et en m'octroyant toutes les pauses photos nécessaires.



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Milesandmilesagain
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Re: Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

CYCLOHC a écrit :Ami Miles -et les Autres - Bonjour,

Effectuer un "longues distances" peut être considéré comme un simple défi - somme toutes accessibles à l'immense majorité, je précise -.
Il serait dommage de ne le réduire qu'à cela.....
La pratique de la Bicyclette ne se résume certainement pas à pédaler, à moins d'avoir une araignée ou une bicyclette dans la tête. Dans ces cas là un home-trainer ferait largement l'affaire et, d'ailleurs, on voit maintenant beaucoup de malheureux citadins pédaler sur place dans des salles (où ils paient bien cher) et qui n'en retirent que le plaisir de faire passer la serpillère à la femme de ménage de service qui leur succèdera.....

Se donner un petit défi personnel, en profitant du merveilleux espace naturel qui nous entoure, peut être une solution pour vivre l'aventure à deux pas de sa porte ! On en retirera une meilleure connaissance de soi et, sauf d'être un bourrin, une meilleure oxygénation de son cerveau.
200 kilomètres est d'ailleurs bien réducteur ! Je conseillerais de se lancer dans des aventures plus osées, à partir du moment où l'on en revient toujours enrichi.
Les exemples des adeptes des Flêches, des PBP, des Transcontinentales et autres Transsibériennes ne sont pas tous -loin s'en faut !- des fous-furieux.

Il m'est arrivé, il y a encore bien peu de temps (j'avais déjà dépassé les 60 ans) de m'engager tout seul sur une étape "de folie" en montagne où je gravissais le premier col (de Vars) entièrement de nuit avec le seul bruit du torrent, des animaux nocturnes et du cliquetis léger de ma Bicyclette. Le jour se levait à peine dans l'attaque du deuxième col (Larche)....Je ne vais pas raconter ici toutes les sensations vécues lors de cette merveilleuse journée....Lorsque j'attaquais le dernier col (Agnel versant Italien) la fatigue était là certes, la nuit aussi d'ailleurs....mais quelle sensation gigantesque que de s'attaquer à ce col si difficile après une journée passée dans l'Alpe ! Quelle sensation que de retrouver le retour au calme de la Nature, de finir dans la nuit noire dans les Gorges tumultueuses du Guil, d'y avoir côtoyé un renard étonné, après avoir eu des marmottes toute la journée.
J'avais parcouru près de 300 bornes, gravi une dénivellation "pas possible", avais pris une bonne suée, mais rentrais chez moi le cœur léger, heureux de savoir que mon organisme avait pu affronter cela sans hypothéquer sur ma santé (j'ai eu ces mêmes sensations en terminant des 100 kms de course à pieds et des Triathlons Ironman...).
Les bourrins en mourront ou bien s'y détérioreront, c'est certain...celui qui sait aborder cela avec humilité en reviendra très riche !!!
Salut, CYCLOHC,

Je ne peux qu'abonder dans ton sens: ma préoccupation consistait justement à ne pas réduire ce premier 200 à un petit défi sportif, commun et ennuyeux. D'où ces maintes tergiversations. Il fallait que l'exercice prenne la forme d'un voyage, parce que rouler pour rouler, ça ne m'intéresse vraiment pas. Quoique, à bien y réfléchir... comme beaucoup de cyclotouristes, je suis ambivalent, oscillant entre ballades tranquilles et sorties plus engagées. D'un côté, je ne me vois pas réaliser un Dodécaudax, et encore moins un PBP ou une transcontinentale. D'un autre côté, ça m'intéresse, et effectuer ce 200 a constitué une sorte de révélation. Une surprise aussi agréable qu'inattendue. Qu'on pourrait résumer ainsi:

- J'avais raison. Ce n'était pas très différent de mes randonnées habituelles. Juste un peu plus long.
- J'avais tort. Cela n'avait rien à voir. Ce fut une expérience énorme. A renouveler dès que possible.
EgaregEtKristell a écrit :Joli projet ! Tu ne devrais pas être trop déçu.

Tu prends le problème dans le bon sens : des balades de plus de 100 ou 150 km, tu en as déjà fait et tu as donc les capacités physiques pour faire un 200. Alors quel intérêt ? Découvrir de nouveaux paysages, s'évader à quelques coups de pédales de chez toi : voilà le vrai intérêt d'un 200.

C'est ça qui m'a fait passer le pas : partir du Mont Saint-Michel pour rallier la maison via Crèvecœur-en-Auge à travers la campagne normande, il y a pire comme balade !
En prime, j'ai voulu tester mes capacités physiques sans me mettre dans le rouge et voir si les trois lettres qui me trottent dans la tête (P-B-P) pourraient être écartées d'un revers de main.

Maintenant que j'ai vu que c'était possible, j'essaierai de renouveler l'expérience en me concoctant quelques itinéraires semés de découvertes et en m'octroyant toutes les pauses photos nécessaires.
Salut, EgaregEtKristell,

Tu mets le doigt sur la seule vraie difficulté, à mon avis: concocter un itinéraire incluant de la nouveauté. Cela devient problématique. En l'espace de 4 ans et demi, entre les sorties à la journée, et les vélo-vacances, j'ai à pu près épuisé le potentiel de la région à 100 bornes à la ronde. C'est pourquoi je vais probablement rester sur le même schéma: pas de boucles, mais des flèches, avec hébergement à l'arrivée.

Sur le plan physique, je confirme: un 200, c'est très faisable quand on a l'habitude d'en rouler 100 ou 150 sans tirer la langue. A condition, toutefois, d'être encore plus attentif à l'aspect alimentation / hydratation. Mais à l'exception de ce paramètre, bon, j'ai connu des journées plus terribles pendant certains voyages. En comparaison, je bénéficiais même de conditions avantageuses: moins de bagages, et pas de températures caniculaires à supporter _ ce qui peut virer à l'ignoble quand le cagnard te dessèche depuis une semaine, que le D+ est important, et que tu compose avec la fatigue des étapes précédentes. Là, je partais reposé, il faisait frais, et le D+ était ridicule. Bref, il y avait moyen de s'en sortir en étant à l'aise.

Récit en cours de rédaction.

A+

Miles.


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Hristo
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Re: Mon premier 200.

Message par Hristo »

Mon premier 200 a été un voyage à la journée en partant de Pau j'avais décidé de suivre le Gave et l'Adour jusqu'à Bayonne puis longer un peu l'océan et revenir vers Dax où un train m'attendait en passant par St Vincent de Tyrosse. Une très belle expérience que j'ai trouvé sans réelle difficulté

Une description sur mon site et quelques photos : http://www.cablat.com/le-v%C3%A9lo-phot ... 0-l-adour/

Depuis j'en ai fait quelques autres en boucle essentiellement. Mon prochain 200 le 24/11. Je suis en formation à Bordeaux le mercredi vers 8h pour arriver vers 18h maxi. Je compte partir de Pau le mardi matin et dormir le soir chez un ami. Un autre est prévu de Pau à Toulouse plus tard. Je considère le vélo dans toutes mes sorties comme du nomadisme et j'apporte toujours mon matos photo léger. On sait jamais une diagonale ou un PBP ça peut me tenter un de ces jours...


La paresse est un luxe abordable

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Milesandmilesagain
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Re: Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

Bonjour à tous,

Le récit de ce premier 200. Qui ne sera sans doute pas le dernier, mais conservera définitivement un éclat unique, une saveur singulière. Comme toutes les premières fois.

C'est à 6 heures du matin que je quitte la ville de Saint-Quentin, encore endormie. Discrètement, sans témoins, de façon presque furtive, alors que la nuit est encore noire. Peu importe : mon éclairage à LED est assez puissant pour me guider le long de cette D930 que j'emprunterai pendant une grosse centaine de kilomètres. Il n'y a pas de vent, c'est une route que je connais par cœur _ parce que je m'y entraîne régulièrement. Je garde toutefois une allure modérée, un peu intimidé par les ténèbres et le silence. En outre, il fait un froid de canard. J'avance donc tranquillement, en attendant que le jour se lève. Avec une certaine impatience.

C'est aux environs du kilomètre 25, vers Eppeville, que la nature me gratifie d'une aube magnifique. Les nuages clairsemés se parent de flamboyantes couleurs pastels. Des roses, des bleus tirant sur le violet, des touches d'orange, je me dis qu'à lui seul, ce spectacle paisible et fantasmagorique justifierait un voyage. Parce qu'un 200, c'est une longue sortie qui, à un moment donné, devient autre chose : un voyage en réduction. Un voyage condensé, résumé, synthétisé. En une journée-étape. J'en avais l'intuition. Elle sera vérifiée. Oh combien...

L'air ne s'est pas réchauffé, mais c'est motivé par un soleil radieux que je pédale de bon cœur, me calant sur un rythme habituel, souvent adopté pendant mes expéditions à travers la France. A la différence près que j'ai une dizaine de kilos de moins à trimballer. Cela se ressent : j'avance un peu plus vite. Sans avoir à forcer. Les communes traversées défilent comme dans un rêve : Nesles, Roye, Montdidier _ où je renonce à prendre un café, après avoir tourné en rond, dans le centre, sans en apercevoir un seul qui soit ouvert _ et Breteuil, où je m'accorde enfin une vraie pause. Tout étonné d'y être à 11h30. Déjà 80 bornes derrière moi. J'ai tenu la faim à distance en grignotant des gâteaux secs, et des barres énergétiques que j'ai emporté en quantité. Il me faut maintenant du plus consistant : des sandwichs ! Et un café.

Pendant que j'engloutis mon repas frugal, la météo se dégrade à vue d'oeil : en l'espace d'un battement de cils, le ciel devient noir, un vent puissant se met à mugir. Je devine que les choses vont se corser, et ce sera le cas : dorénavant, ce maudit zéphyr, je devrais composer avec lui. Longtemps.

Je continue vaille que vaille le long de cette D930 qui n'en finit pas : la route se fait vraiment pentue du côté de Crèvecoeur-le-Grand _ tout un programme ! _ puis Marseille-en-Beauvaisis, où je m'arrête une nouvelle fois pour grignoter et souffler un moment. On ne peut pas dire que le revêtement granuleux me facilite la tâche. Malgré ses gros pneus et son cadre en acier, ma randonneuse vibre comme un tambour de machine à laver en mode essorage. Et c'est moi que cela lessive. Je cahote ainsi jusqu'à Songeons, où se trouve LE grand tournant du parcours. C'est à partir de là que je dois quitter l'interminable D930 pour me diriger vers la mer, via la D133.

Et bien sûr, je loupe la sortie, et ne m'en aperçois que 4-5 km trop tard. Il faut faire demi-tour. Je me perds plus ou moins en revenant sur mes pas, passant par Gerberoy sans raison valable, heureusement, une minuscule départementale me ramène à Songeons, où je reprends l'itinéraire prévu. Mon allure est bien moins fringante qu'il y a quelques heures : le vent de ¾ est maintenant de face. Il a tourné en même temps que moi, le salaud ! Et une succession de faux-plats montants siphonne mes forces à une vitesse alarmante. Je multiplie les pauses, grignote, bois, essayant de relancer une mécanique qui commence à se gripper. Les 25 km allant de Songeons à Gaillefontaine se font sur un mode assez pénible. Je décide de m'accorder un moment de répit à Gaillefontaine. Après tout, ce n'est pas un contre-la-montre. Et j'ai 139 km dans les jambes.

Malgré la difficulté, le moral reste bon. Il faut dire que depuis Songeons, on perçoit clairement que nous avons changé de région. Les paysages sont plus verdoyants et vallonnés. Des forêts, des prés à vaches, bref, de la campagne paisible, qui ne peut que susciter une certaine sérénité. Je tourne et retourne aussi, dans un recoin de ma caboche, le constat délicieux que les 2/3 du parcours sont bouclés : il ne me reste QUE 60 bornes à rouler. Une paille. Quoique... :mrgreen:
Photo de vaches
Photo de vaches
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Les 25 km suivants seront les plus éprouvants : objectivement, ils n'étaient ni plus, ni moins raides que les 25 précédents. Mais en une journée de vélo, on passe par toutes sortes d'états. Des émotions fugaces ou durables, légères ou intenses. Parfois, le temps semble fluctuer, se contracter ou se dilater. Signe que l'esprit vacille. En fait, j'avais l'impression de ne pas avancer, il ne m'était pas possible de jeter dans la bataille des watts que je n'avais plus en magasin, la pluie s'était mise à tomber, le ciel était d'encre, et je ne voyais toujours pas le foutu panneau signalant l'arrivée à Neufchâtel-en-Bray ! Lourde phase de doute, lancinante, irritante, décourageante. Cela arrive. Seule solution : tenir bon. Ce n'est pas évident, mais c'est simple.
Un peu plus loin...
Un peu plus loin...
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D'où mon immense joie, mêlée de soulagement, en entrant à Neufchâtel. C'était une victoire en soi, un seuil symbolique de franchi. Même si je n'étais pas encore arrivé à Dieppe _ il y avait encore une petite quarantaine de kilomètres à avoiner _ la réussite paraissait désormais inévitable. D'autant que je bénéficiais d'un atout dans mon maigre jeu : la splendide voie verte qui mène de Neufchâtel à Dieppe, ou quasi. Plus roulante que la majeure partie des départementales rapiécées et / ou rugueuses qui furent mon ordinaire ce jour-là. Conséquence : la dernière partie de ce 200 fut la plus jubilatoire. Une sorte de chevauchée fantastique, et triomphale. J'avais les poignets douloureux, des élancements assez violents dans les reins, mais les guibolles persistaient à tourner rond et fort. Alors j'ai profité au maximum de ces instants uniques : la fin d'un voyage, c'est une forme de délivrance. On sait pouvoir se lâcher, dilapider joyeusement ses ultimes ressources _ comme un roi du pétrole distribuant des liasses de billets _ sans hypothéquer l'étape suivante, puisqu'il n'y en aura pas. De surcroît, quand on termine son parcours sur une piste parsemée de somptueux paysages, à l'abri de tout véhicule motorisé, c'est double ration de plaisir. :ghee:
Tout près de Dieppe
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A 20h10, j'étais à Dieppe. A côté du pont Colbert, face au port. Il commençait à se faire noir. J'ai été saisi d'un sentiment de vertige : 200 km et des brouettes, sur un mulet de 16,5 kg, lesté de 10 kg de barda ! C'est à la fois énorme et banal. Un modeste exploit. Pas si difficile, en définitive. Mais une petite aventure, quand même. Dont je me souviendrai longtemps : mon premier 200.

A+

Miles.


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Re: Mon premier 200.

Message par chelmi »

Félicitations pour cette longue sortie Miles ! :bravo3
Tu avais le mental pour aller au bout. Même ce satané vent tournant ne t'as pas fait abandonner. Sans compter que ta région n'est pas plate du tout.
Merci pour le partage d'émotions.


Amicalement,
Michel ALLONNEAU.

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Re: Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

chelmi a écrit :Félicitations pour cette longue sortie Miles ! :bravo3
Tu avais le mental pour aller au bout. Même ce satané vent tournant ne t'as pas fait abandonner. Sans compter que ta région n'est pas plate du tout.
Merci pour le partage d'émotions.
Merci, Michel. Il est vrai que la région est un peu vallonnée, mais pas tant que ça: le D+ n'atteignait même pas les 500 m, ce qui, sur une distance de 200 bornes, ne représente pas grand chose. En revanche, on perd beaucoup d'énergie dans ces successions de faux-plats montants, puis descendants, ponctués de raidillons, bosses toujours mal placées _ c'est le jeu! _ et autres gros dos d'ânes.

Cela étant, c'est surtout ce maudit vent qui m'a compliqué la vie. Je m'en suis rendu compte, au retour, puisque j'ai emprunté le même chemin, avec, cette fois, le vent dans le dos. La différence était énorme! J'avais l'impression de conduire une mobylette, à 25 km / h de moyenne, en pédalant juste de temps en temps pour relancer.

A+

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Re: Mon premier 200.

Message par EgaregEtKristell »

Merci pour ce compte-rendu !
En le lisant, on revit ta randonnée.

Dis, tu nous emmènes sur la route du retour ? :wink:


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albina
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Re: Mon premier 200.

Message par albina »

Bravo Miles !
ça c'est du vécu :D
Et puis, j'adore ta phrase :
la fin d'un voyage, c'est une forme de délivrance. On sait pouvoir se lâcher, dilapider joyeusement ses ultimes ressources _ comme un roi du pétrole distribuant des liasses de billets _ sans hypothéquer l'étape suivante, puisqu'il n'y en aura pas.
C'est tellement vrai; je l'ai même dit quelques fois : Dans un grand brevet... le plus jouissif ce sont les derniers 100 mètres !
Amitiés
Charles


Tout ce qu'on fait, mérite d'être bien fait

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Re: Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

EgaregEtKristell a écrit :Merci pour ce compte-rendu !
En le lisant, on revit ta randonnée.

Dis, tu nous emmènes sur la route du retour ? :wink:
Tu m'étonnes: je revivais cette longue journée en l'écrivant. Et pour des raisons qui m'échappent un peu, je repense souvent à cette première fois, me repassant le film de l'étape, presque kilomètre par kilomètre. J'étais loin de soupçonner que ce genre d'exercice serait aussi... jubilatoire? Magnifique? Bouleversant? Je ne sais pas quel mot employer pour décrire cela.

D'ici quelques jours, j'ajouterai quelques paragraphes, histoire de raconter le retour _ qui fut plus tranquille, puisque je l'ai tronçonné en deux courtes étapes. Forcément, c'était moins intense, presque dérisoire, mais intéressant tout de même.
albina a écrit :Bravo Miles !
ça c'est du vécu :D
Et puis, j'adore ta phrase :
la fin d'un voyage, c'est une forme de délivrance. On sait pouvoir se lâcher, dilapider joyeusement ses ultimes ressources _ comme un roi du pétrole distribuant des liasses de billets _ sans hypothéquer l'étape suivante, puisqu'il n'y en aura pas.
C'est tellement vrai; je l'ai même dit quelques fois : Dans un grand brevet... le plus jouissif ce sont les derniers 100 mètres !
Amitiés
Charles


Merci, Albina. J'imagine à peine les sensations que peut procurer un grand brevet. Un jour, qui sait? Mais pas avec mon Koga. Il est joueur et assez réactif, dans son genre, m'enfin, clairement, les randonnées longue-distance ne sont pas son domaine de prédilection. Il va falloir envisager d'investir dans une randonneuse légère, munie d'un cintre route, peut-être. J'y réfléchis.

A+

Miles.


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CYCLOHC
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Re: Mon premier 200.

Message par CYCLOHC »

Bravo ! Merci, que de sensations exprimées !

....Allez, vivement la prochaine....Au fait, au sujet du vent, sage attitude à prendre (ce que tu as fait d'ailleurs !) : ne pas lutter contre lui, car ça ne le fait pas arrêter pour autant...
Se redresser, lui montrer que l'on a rien à fiche de ses velléités, prendre un "train de sénateur", ne pas le regarder...ne même pas croiser son regard, faire comme si il n'existait pas, voire siffloter, lui tirer la langue, lui dire que l'on en a mâté de bien pires que lui....ça marche !! :lol:


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Re: Mon premier 200.

Message par EgaregEtKristell »

CYCLOHC a écrit :Bravo ! Merci, que de sensations exprimées !

....Allez, vivement la prochaine....Au fait, au sujet du vent, sage attitude à prendre (ce que tu as fait d'ailleurs !) : ne pas lutter contre lui, car ça ne le fait pas arrêter pour autant...
Se redresser, lui montrer que l'on a rien à fiche de ses velléités, prendre un "train de sénateur", ne pas le regarder...ne même pas croiser son regard, faire comme si il n'existait pas, voire siffloter, lui tirer la langue, lui dire que l'on en a mâté de bien pires que lui....ça marche !! :lol:
Bel état d'esprit !
J'avoue que j'ai du mal à être aussi zen quand Eole est têtu... J'ai plutôt tendance à me faire tout petit et à regarder à droite ou à gauche s'il n'y a pas un chemin de traverse où je pourrai me cacher de sa furie.



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Re: Mon premier 200.

Message par 1dfl »

Merci pour ce beau récit...qui donne des idées :velo5



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Re: Mon premier 200.

Message par Milesandmilesagain »

CYCLOHC a écrit :Bravo ! Merci, que de sensations exprimées !

....Allez, vivement la prochaine....Au fait, au sujet du vent, sage attitude à prendre (ce que tu as fait d'ailleurs !) : ne pas lutter contre lui, car ça ne le fait pas arrêter pour autant...
Se redresser, lui montrer que l'on a rien à fiche de ses velléités, prendre un "train de sénateur", ne pas le regarder...ne même pas croiser son regard, faire comme si il n'existait pas, voire siffloter, lui tirer la langue, lui dire que l'on en a mâté de bien pires que lui....ça marche !! :lol:
Merci.

A propos du vent, faut dire qu'en Picardie, on n'a pas trop le choix. La seule option consiste à s'en accommoder, parce qu'il est plus ou moins omniprésent, au point d'être devenu une ressource exploitée dans une bonne partie de la région. La preuve en image:

Image

En général, quand il voit des éoliennes former une haie d'honneur le long de la route, telles des sentinelles majestueuses et infatigables, c'est très mauvais signe pour le cyclotouriste. :mrgreen:
1dfl a écrit :Merci pour ce beau récit...qui donne des idées :velo5


N'hésite pas te lancer dans ce genre de petite aventure. Avec un peu de préparation, ça se passera très bien.

A+

Miles.


Méfiez-vous des gens qui ne rient pas: ce ne sont pas des gens sérieux.
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